samedi 27 septembre 2014

Maria VINUESA, la fougue et le feu


Maria Vinuesa est née en Espagne, elle a grandi en France et vit à Munich, en Allemagne, depuis plus de trente ans. Thérapeute et artiste, elle a traduit de la poésie dans plusieurs anthologies et collaboré avec des auteurs et des musiciens pour des spectacles. En 2007, elle illustre le recueil de prose et poésie De ce voyage presque rien (Éditions du Sablier, Québec) de Fabienne Roitel, puis sa toile Bedding fait la première de couverture du recueil De l’amour et des restes humains (Éditions de l’Harmattan, France, 2009), qui fait référence au film de Denys Arcand Love and Human Remains (1993).
Elle a enseigné en France et en Allemagne et animé des ateliers dans le cadre de « l’art thérapeutique ». Polyglotte, elle chante en espagnol et en allemand, en français et en italien. Néanmoins, elle n’a jamais cessé de peindre et de dessiner. Ses toiles reçoivent de plus en plus de témoignages enthousiastes de ses pairs. Maria Vinuesa participe à de nombreuses expositions collectives et en solo, et ses intérêts sont variés. Une peintre étonnamment volcanique à ses heures et dont le bleu se décline de multiples façons, entre les profondeurs marines et l’azur glacial de l’hiver.
Maria Vinuesa construit des espaces qui s’emboîtent dans d’autres espaces ou peut-être des volumes essentiels qui sont davantage que de simples traits et lignes enchevêtrés. Des espaces humains, pleins de vie, celle d’une source intérieure chaude et sensuelle. Il arrive parfois que du bleu naisse le feu et le sang dans des rouges qui font craindre le désastre, l’appel carnivore d’un interstice oublié, répudié. L’encre et la feuille d’or construisent des fenêtres vers l’intérieur que notre sensibilité capte, que notre conscience saisit pour mieux apprécier cette Audace Bleue.
Bien qu’elle utilise des techniques mixtes, collages et acrylique entre autres, le dessin chez elle est fondamental, ses encres en font la démonstration à travers des corps qui s’exposent crûment, qui dansent, s’enchevêtrent. Le trait est vif, mais comme arrondi dans sa sensualité, comme lascif dans son mouvement. L’acrylique, l’aquarelle et les craies grasses complètent son univers et renvoie dans une certaine mesure à ses racines espagnoles. La vida, siempre la vida.
De l’automne 2012 jusqu’en février 2013, la galerie Bridge Residenz de Munich exposait conjointement et en miroir son œuvre avec celle de Monika Müller : Das Blaue vom Himmel. En 2013, La Stadthalle de Münich (Erding) présente une exposition collective où l’on peut admirer, entre autres, l’œuvre intitulée El Lobo dans le catalogue 100 Künstler, 100 Werke / 100 artistes, 100 œuvres.
L’origine de cette toile est ancrée dans un passé qui déborde sur le présent, nous confie l’artiste peintre. Maria Vinuesa écrit : «  Le titre m´est venu après une conversation avec ma tante de Madrid, qui me racontait sa jeunesse dans son village de montagne perdu dans la Sierra de Gredos, près d´Avila, au cœur des terres sauvages de la Mancha (Castille). Il n´était pas rare de sortir jeter l´eau de la vaisselle dans la ruelle, le soir tombé, et de voir luire les yeux d´un loup dans la pénombre. Mon imagier intérieur est peuplé depuis l´enfance par les histoires de loup de mon père dans ce village, lorsque jeune berger dans la sierra, il devait affronter la peur en entendant les loups hurler et s´approcher du troupeau... […]  El Lobo, le nom espagnol, véhicule plus d´émotions à mon sens que le mot français et fait appel à l´imaginaire des grands espaces d´une Amérique héroïque et en même temps hispanisée, où le LOUP est déjà entré, l´immigrant, celui qui dérange, que l´on voudrait renvoyer chez lui de l´autre côté de la frontière, celui qui apporte le chaos et l'insécurité parce qu´il réclame avec véhémence son droit à la vie... Là encore la notion de combat pour un territoire. »
Maria Vinuesa[1] a plusieurs projets sur son chevalet. Le travail qu’elle poursuit essaie de faire jaillir « le nerf de l’image » intérieure, loin du conformisme et qui n’hésite pas à se mettre en péril dans ce mouvement organique de bleu strié aux fulgurances solaires. Avec parfois des petites trouées blanches… pour respirer.
J’aime sa fougue et sa manière affirmée d’aborder la vie sans faux semblant ni mièvrerie, avec cette force que seuls les artistes peuvent nous communiquer.
Fabienne Roitel

vendredi 26 septembre 2014

À propos d'Yves-Jacques Bouin

Le poème qui n’en finit pas de commencer toujours[1]

…est un très beau recueil du comédien, metteur en scène et poète Yves-Jacques Bouin. En 1983, il créait sa compagnie, Le Théâtre pour de vrai, avec laquelle il a produit de nombreux spectacles sur l’œuvre de poètes contemporains : Max Jacob, Henri Michaux, Paul Eluard, Pierre Reverdy, Robert Desnos, René Char, Louis Aragon, Guy Goffette, Ludovic Janvier, Italo Calvino, Pierre Desproges, Daniil Harms, Franck Venaille, Attila Jozsef, Gherasim Luca, Pierre Morency...

Il a quitté Paris en 2002 pour organiser le festival littéraire Temps de paroles en Bourgogne. Il a créé deux autres manifestations : Salut Poètes ! (Rencontres avec des poètes venus d'ailleurs : Allemagne, Pologne, Italie, Espagne, Portugal, Hongrie, Wallonie, Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Suisse, Roumanie, Occitanie) et TemPoésie.

Au-delà de ce parcours plein de noms, de pays, de mémoire, il y a un homme souriant, généreux de son temps, de sa parole, de son savoir ; un homme qui aime les conversations et a le désir de comprendre et de communiquer avec les autres. Tel est le poète et l’homme Yves-Jacques Bouin. Il vous entraine sur sa route et vous offre ses mots et ses voies (x), « La route est libre la route est libre d’aller la route est libre d’aller toujours… au même endroit… »
Et nous de l’accompagner dans ses confidences avec bonheur et pudeur, « Atteindre en un seul mot l’horizon de tous les horizons, puis reprendre la route et les bas-côtés du silence. »

On ne sera pas étonné d’apprendre qu’il tient régulièrement des ateliers d’écriture et des ateliers d’expression orale dans les bibliothèques, associations, maisons d’arrêt, établissements scolaires…  Le « Poème sans titre et sans propriété », écrit-il, les paroles qui circulent alentour que « tu n’as pas atteintes, qui ne t’ont pas touché ? »

            De l’autre côté de l’océan atlantique, il y a un écrivain à découvrir avec ses paroles pleines de compassion ou d’ironie. Un auteur que j’aimerais entendre au Québec parce que sa langue est la nôtre, que ses mots d’amour « montent à l’horizon dans l’avidité de l’horizon suivant, et ainsi à l’infini », que cette liberté traverse la poésie, que la poésie parcoure le pays avec elle. 

ã Fabienne Roitel, 2014





[1] Aux éditions de la Renarde rouge, avec des acryliques de Sylvaine Raoul, 2011.
A publié aux éditions Le Pré de l'âge, Fer de Chances, L'épi de Seigle, La Renarde Rouge, Mazette, Clarisse.
Dernières publications : aux Éditions l'Improviste Un Bouin c'est tout (2013),
et aux Éditions Rhubarbe Je crois que tout n'est pas fini je vole (2014).
Réédition de Une passée de paroles aux éditions Mazette.

Je crois que tout n’est pas fini je vole
Yves-Jacques BOUIN[1]

D’abord, il y a eu ce titre : Je crois que tout n’est pas fini je vole[2]. Ensuite, un voyage en train où « tous les contraires sont rassemblés en un aller simple », des rencontres, l’attente dans de petits paragraphes tels des soliloques et Les Douze Poèmes (les neutrinos) ciselés et beaux qui empruntent des raccourcis pour nous faire rêver ou réfléchir. L’écriture en miroir, sous ses allures légères et presque jubilatoires, cache pourtant une douleur lancinante que ni la mésange ni un sourire ne peut effacer.
Le poète habite ses pages, ses phrases, ses mots dans l’espace du livre et dans celui d’une vie qui se déroule sous nos yeux avec ses interrogations, ses coïncidences, ses émotions. Orphelin, le poète s’amuse et se moque, toujours avec lucidité; son écriture est multiple, sa mémoire à la recherche d’un nom, d’un visage ou d’un oiseau. Yves-Jacques Bouin nous apprend à lire et à écouter la poésie et tous ces mots qui surgissent au hasard, ces « mots qui l’instant précédent n’étaient pas faits pour se rencontrer […] Une fois rassemblés, les mots ont tout à dire. »
Nous croisons alors des phrases dans un désordre heureux, nous récoltons des instants de douceur, nous habitons un moulin, nous partageons avec le poète la quête de la beauté.
Qui sait ? un jour nous volerons peut-être dans ce « couchant qui vendange la lumière »…

ã Fabienne Roitel, 2014




[1] Y-J Bouin anime depuis 2013 la collection 3,14 g de poésie pour la maison d’édition bourguignonne p.i.sage intérieur et organise des événements littéraires à Dijon : www.lavoixdesmots.org
[2] Yves-Jacques BOUIN, Je crois que tout n’est pas fini je vole, Éditions Rhubarbe, 2014.